J’avais pas vu Gégé depuis des lustres ; je suis
descendu à St Firmin pour les vacances et je lui ai annoncé que nous partions
vivre à l’autre bout du monde.
Je lui ai dit que s’il voulait, en notre absence, faire de
la voile avec Olivier, ils pourraient emprunter le bateau, à Sète.
Je lui ai expliqué qu’il n’y avait qu’à Olivier que je
confierais les clefs du bateau, sous conditions… Je lui ai dit : « Je ne veux pas te vexer, bien sûr… »
et il m’a répondu « Mais vous ne me
vexez pas du tout, cher ami – c’est parfaitement compréhensible ! J’te
prêterais pas les clefs de la Subaru non plus ! » Bref : on
s’était compris. C’était très civilisé.
Deux jours plus tard, je passe chez Benoît et Julie, sur le
coup de vingt-trois heures. Il y avait là Gérald, Jean-Marc, Lucie et Jack, leur
vieil ami du Tennessee. Ils étaient chauds, chauds, chauds, les Brouinques –
chauds-bouillants, comme on dit à Paris.
« Tout est
organisé ! s’écrie Gégé en me voyant. On part tous les cinq au Cap Vert, avec ton bateau, au mois de
novembre ! »
J’ai reçu la nouvelle sans broncher. Dans l’estomac.
J’aurais bien essayé de leur expliquer… mais non, j’ai préféré leur écrire une
chanson.
Cette chanson, la voici. Je la leur ai chantée samedi soir,
autour d’une chèvre, succulente, et d’une sauce à l’ail, atomique, que Gégé
nous avait préparées. Pour fêter quoi ? Pour fêter, c’est tout !
Je me souviens encore des éclats de rire de Fabienne. C’est
vrai qu’imaginer son Gégé en train de dégobiller sur la tête du Jacquo, qu’il tient
serré dans ses bras, comme un bébé, c’est à la fois pathétique et rigolo… Fabienne, je te dédie cette chanson ! Quelque
chose me dit que ce n’est ni la première, ni le dernière fois, que tu entends
parler du voyage au Cap Vert.
Et sans rancune, Gégé ! Pour ce qui est de savoir
vivre, tu es notre maitre à tous, notre éclaireur, notre preuve par G - il l’a
fait, c’est donc possible ! – et plus encore : notre unité de mesure. J’ai
parfois de la peine pour ceux qui n’ont pas eu au moins deux G de bonheur dans leur
vie…
Et puis je t’en ferai faire, du bateau, un jour prochain, promis-juré.
Quant au dénommé Poulet, un gars fort sympathique, au
demeurant, il ne doit évidemment qu’à son surnom de figurer dans cette chanson,
victime d’un rituel barbare. Qu’il n’y voie aucune animosité de ma part, et
qu’il me pardonne mon humour noir ! Après tout, je suis un peu anglais…
La morale de cette histoire ? Elle est cruelle… Rien à voir avec le Cap Vert. Le fait est qu’après
avoir abrité la gamelle qui, neuf heures durant, a servi à bouillir la bête et ses aromates, le
vestibule d’Olivier sent le zoo, à présent. On se croirait à l’intérieur d’un
paquet de chips, goût chèvre. Heureusement pour lui, pour nous, et pour ses
petites amies, qui auraient pu se poser des questions, la chèvre de Gérald était plutôt chevreau que vieille carne
lubrique. Il va falloir bien l’aérer, ce vestibule, avant qu’il ne se remette à
sentir la paraffine et le farte à ski…et qu’Olivier nous pardonne notre satanée cuisine!