vendredi 9 mars 2012

Tous les matins, juste avant l'aube...

................................... Le Grun de St Firmin après le redoux ...................................

Tous les matins, juste avant l'aube, je sors dans le jardin pour prendre la température et humer à grands traits les parfums de la nuit, en attrapant quelques buches au passage. En dix jours, le redoux a fait fondre la neige des sous-bois et réchauffé l'épais tapis de feuilles mortes dont l'hiver précoce avait retardé la décomposition. Toute la nuit, l'air froid qui ruisselle des hauteurs du Grun a charrié des parfums de sous-bois décongelés à travers le village. Ça sent le vieux marc et le carton mouillé - les fermentations sucrées de l'automne ne sont plus qu'un lointain souvenir et il n'y pas encore la moindre note acidulée pour signaler la présence d'une fleur - mais ça ne saurait tarder. Le chant des oiseaux est assourdissant, tout comme celui des mouches qui hier à midi dansaient sur le tas de bois devant la maison avec la joie frénétique d'une bande d'adolescents en mobylettes: des grosses mouches à peine écloses dont le poil noir, dru et soyeux luisait comme les revers d'une veste de smoking qui sort de chez le teinturier. Il faisait 26°C.

..................................... Au pied des pistes de Serre Eyraud ......................................

Ces températures estivales ont décapé les pentes douces du Champsaur et du Dévoluy et il est encore un peu tôt pour s'attaquer aux sommets plus pointus du Valgodemar - la transformation va bon train - alors je patiente, comme tout le monde , en emmenant les enfants skier à Serre-Eyraud, dont j'arpente les 600 m de dénivelé en peau de phoque. Au pied de la piste, une vingtaine de voitures: moins qu'au départ d'une randonnée, un jour de grande affluence. Le fait est qu'il n'y a jamais grand monde, dans les Hautes-Alpes, sauf pour les enterrements*; il semblerait que nous ayons choisi de vivre dispersés.

Xavier, mon guetteur de nuages favori (Météo Alpes), prévoit des ciels bleus et des températures douces jusqu'à la fin mars et évoque une "stabilité des modèles exceptionnelle". Autant dire que l'hiver est en train de tourner une nouvelle page. J'ai vu quelques VW Transporters garés aux pieds des voies d'escalade. Les enfants se sont même remis à jouer au football. La neige s'éloigne. Il va falloir se préparer à aller la chercher, la-haut, tout la-haut...


* Il suffit qu'un Haut-Alpin disparaisse pour que tous les autres se donnent rendez-vous au cimetière, pour une manifestation spontanée de vitalité démographique - une sorte de mobilisation symbolique et éphémère contre le dépeuplement, fléau du département depuis 150 ans.